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Chazay
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Texte d'Yvonne Bénistant
Il s'agit,
en effet,de rappeler l'histoire (ou la légende) qui a fait
la gloire de Chazay, et que des générations se sont
transmises de bouche en bouche.
Je ne m'étendrai
pas sur un sujet que d'autres, plus qualifiés, ont traité avant
moi. Je dirai seulement, avec de notables autorités, que, soldat de
fortune, Théodore Baboin, dit Sautefort, capitaine châtelain
de la forteresse de Chazay, devint, par son courage, son habileté et
son dévouement le chevalier Jean du Mas.
C'est en 1367, à l'ouverture du Ban des Vendanges, qu'il acquit son plus hean titre de gloire en sauvant, dans l'incendie d'une maison noble du « Castrum », Madame d'Albon et Jeanne, sa fille, qu'il épousa, dit-on, par la suite.
Cet homme de
bien qui mourut, plein d'ans et de mérites, vers 1435, ne cessa de
combler la cité qu'il avait adoptée de bienfaits et de générosités
de tous genres.
Sa popularité
universelle lui valut une fête annuelle et une statue, en bois, bardée
de fer, que l'on plaça sur une des portes de la ville. A la Révolution,
elle fut respectée, mais on lui donna un attribut bien en rapport
avec les idées de l'époque en l'affublant d'un honnet phrygien
et en inscrivant sur son piédestal Ces deux vers significatifs:
Les Français sout
égaux, ce n'est point la naissance,
Mais la seule verité qui fait la différence.
Vers 1839, on s'aperçut que le Baboin, comme on dit encore, menaçait
de crouler sous les injures du temps. On dut le remplacer et,à cet
effet, deux conseillers s'acheminèrent à Lyon pour essayer de
trouver une statue « pas trop chère » afin de remplacer
l'ancienne.
L'objet désiré
fut déniché dans un tir au pistolet, aux Brotteaux. C'était
une plaque de fonte, servant de cible, représentant un guerrier romain,
casque en tête, bouclier et lance en mains. On l'acheta au poids, et
c'est ainsi qu'un légionnaire de César représente à
Chazay le chevalier français du xIve siècle, orgueil de la petite
ville.
Cette anonomalie, qui peut choquer le passant averti, est un peu compensée par l'expression du sentiment populaire, qui s'est manifesté par deux complaintes, dont la naïveté n'a d'égale que le manque de mesure et de sobriété.
La première, composée
par M. A. G., en 1835, a six
couplets en vers octosyllabiques et, pour refrain, 'cette banalité.
Habitants de Chazay, répétez
ce refrain:
Honneur, honneur à tes vertus, Théodore Baboin.
La seconde, de 1861, par J.-B. Rimbourg, a plus d'allure, avec ses onze couplets
qui décrivent la Nie de notre héros. Je n'en retiens que la
fin de l'un d'eux, d'ailleurs faux dans son indigence poétique
Plus tard, pour juste récompense,
La famille de Châtillon
Lui accorda la main d'Hermance, (?)
Pour dot y joignant le million. (?)
Des vignettes gravées dans le goût de l'époque 'représentaient
les hauts faits de celui qui méritait un plus honorable témoignage
de reconnaissance.
Mais continuons notre excursion dans la vie de Chazay à travers les
siècles.
En 1418, les Anglais, alliés aux Bourguignons, s'avancent
en Beaujolais et commettent de grands ravages ~ Anse et Vîllefranche.
Le sire de Rochebaron, gendre de Jean Sans Peur, et
ses troupes viennent mettre le siège devant notre petite cité.
Ils résidèrent trois mois. L'église fut dépouillée de ses riches-ses et détruite en partie. Les demeures des familles nobles, situées dans le « Castrum », épronvèrent le même sort. Du coup, Chazay perdit de son importance et de son aspect féodal. il faudra que l'abbé Antoine du Terrail, qui gouverna l'abbaye de 1438 à 1454, vienne, en bâtissant le magnifique château, que nous connaissons, rendre quelque splendeur à la ville déchue..
Cette antique et magnifique demeure, restaurée avec une compétence
éclairée, est aujour d'hui la propriété de M.
Kandelaft; maire de Chazay.
Terrail... ce nom évoque
pour nous un agréable souvenir, celui
du chevalier Bayard, qui, à diverses reprises, se rendit à Chazay
pour rendre visite à ses oncles Théodore et Antoine, dont
la générosité lui fut toujours acquise et l'affection
jamais marchandée.
N'oublions pas, de même, la visite de François 1er en 1541, et
disons que les Calvinistes, qui prirent Villefranche et l'Arbresle en 1562,
épargnèrent notre cité, toujours sur le qui-vive et bien
défendue.
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Les siècles suivants apportent peu de changement dans l'existence
paisible de la ville, que les guerres de la Ligue ont découronnée
de son château et réduite au rang de pittoresque voyage.pittoresque
village.
Avec la sécularisation d'Ainay, en 1685, Chazay perd son rang de ville
monacale, le Prieuré est détruit et transformé. On vend
plusieurs corps de logis ; seuls subsistent le palais abhatial et celui de
l'archevêque. Ils firent l'objet d'une adjudication au cours de l'année
1791 et eurent pour acquéreurs : Fleury Lacoste, architecte (partie
sud), au prix de 643 livres, et Pierre Descot, ancien officier d'infanterie
(partie nord), au prix de 1.932 livres.
Terminons ce
trop long et incomplet exposé en disant que le Baboin,
une fois encore, étendit sa bienfaisante influence sur Chazay
en le préservant de l'invasion autrichienne de 1814. L'ennemi, édifié
par le récit du maire Rimbourg sur les vertus morales dont les prouesses
du héros de jadis, passa outre et, par la voix de son chef, répondit
: « Eh bien ! rendez-lui grâce, il vous aura, comme autrefois,
préservés du fléau de la guerre ! »
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Nous devons rappeler que la légende populaire du Baboin a été
reconstituée pour la scène en 1908, et avait attiré une
foule considérable àChazay plus de 20.000 personnes, disent
les anciens.
On connaît le dicton
Filles qui n'ont vu le Baboin Oneques mari ne trouvent point.
p
Aujourd'hui, un comité
agissant va reprendre la noble tradition.
De grandes fêtes auront lieu cette année. Ces manifestations
artistiques et régionales feront mieux connaître ce coin poétique
de notre Beaujolais.
Chazay, ancienne petite capitale d'une contrée heureuse et prospère,
va aujourd'hui encore, accueillante et parée, recevoir avec joie
et orgueil les innombrables visiteurs que lui attireront de toutes parts
l'affabilité
de ses habitants et le charme prenant de Son site pittoresque et apaisant.