Histoire

 

 

 

 
Le poème de Jean-Baptiste Rimbourg
 

 

 

 

IL N'Y A QU'UN CHAZAY DANS LE MONDE


Par J-B-P RIMBOURG

LYON

Imprimerie de Louis PERRIN
Rue d’Amboise, 6
1863.


Veuillez m’excuser, très complaisants lecteurs,
d'avoir eu la témérité de mettre au jour ces quelque lignes ;
cependant, j'espère que, si vous êtes de Chazay,
vous apprécierez mes bonnes intentions, et que,
si vous n’en êtes pas, vous me serez bon gré de vous
avoir fait naître l'envie de le connaître


CHAZAY-D'AZERGUES

ANCIEN ET MODERNE.

Le touriste, inconstant, cherche la rareté;
Le peintre, amis des arts, recherche la beauté;
L archéologue cherche, enfouis dans la poussière,
Des titres vermoulus qu’il brode à sa manière;
L'heureux collectionneur qui trouve un sou rouillé,
Ne quittera l'endroit qu'après l'avoir fouillé:
Il arrive souvent que sa recherche est, vaine,
Mais, toujours, son plaisir surpassera sa peine.
Moi, j'ai cette manie; un petit cabinet,
Dès longtemps amassé, n'est pas sans intérêt.
L'opulent cherche en tout l'utile et l'agréable,
L'homme aisé seulement cherche le confortable;
Le vrai cultivateur cherche le bon terroir,
Le bon serviteur cherche à faire son devoir;
Mais on a beau chercher, hélas! tout n'est pas rose,
Toujours la déception arrive en quelque chose.
Chercheurs, venez chez nous, là seul vous trouverez
Ce qu'en d'autres pays vainement vous cherchez.
Deux mots sur mon pays ne sont pas inutiles,
On s'entretient souvent de choses plus futiles;
J'entends dire partout, et le proverbe est vrai,
Que dans le monde entier il n'est qu'un seul Chazay.
Ce que j'affirme ici n'est nullement pour rire,
Comme moi, tout le monde a pu l'entendre dire
Si, par contradiction, quelqu'un, répondait: non,
Je dirais, à coup sûr, qu'il n'a plus sa raison;
Et dans un cas pareil, mon Dieu! que pouvoir faire,
Que déplorer son sort, en gémir et se taire.

Si Pierre Durdilly, dont l'âme est en repos,
Du fond de son cercueil entendait tel propos,
On verrait tout-à-coup apparaître son ombre,
D'une voix menaçante, avec un regard sombre,
En criant: anathème, anathème au menteur;
Il vengerait Chazay de l'infâme imposteur.
Chacun de nous connaît la rare persistance
Qu’il mettait à parler du lieu de sa naissance.
Chazay, sur le sommet d'un riche mamelon,
Domine avec orgueil un fertile vallon;
Il est le point central, fixé par la nature;
Jamais aucun pays n'eut plus riche ceinture,
Là, c'est une bourgade, ici, c'est un hameau;
Plus loin, c'est une ferme à côté d'un château.
De gracieux clochers, aux formes élégantes,
Montrent de tous côtés leurs flèches reluisantes.
Voyez-vous Dommartin, La Tour et Lentilly,
Lozanne, Civrieux, Limonest,-Marcilly,
Poleymieux, Chasselay, Saint-Germain et Neuville,
Les Chères, Quincieux, Trévoux, coquette ville,
Ambérieux, Lachassagne Anse, Marcy, Charnay,
Saint-Jean, Belmont, Treddo, Morancé, Lucenay.
Les communications très- bien entretenues,
On dirait des châteaux avec leurs avenues',

Notre cercle est tracé, gigantesque sillon
Il vient se relier au bourg de Châtillon,
Qui s'élève en gradin comme une pyramide,
On arrive, en grimpant une pente rapide,
Aux ruines d'un château dont l'imposant aspect,
Au touriste étonné, commande le respect.
Ces créneaux, ces donjons, par leur magnificence,
Attestent des seigneurs la force et la puissance.

Mais Chazay me rappelle, après un si grand tour,
Je soupire après lui, j'ai hâte de retour.
Si le ciel m'eût doué d'une éloquente verve,
A mon gré j'aurais pu me livrer, sans réserve,
Au narré trop mesquin de cette description,
Et montrer de Chazay l'heureuse position.
On le voit s'élevant,, de terrasse en terrasse,
De son point culminant d'un coup d’œil on embrasse
Le plus rare tableau, riche panorama,
Qui produit l'illusion d'un vrai diorama.
Qu'il est beau, mon pays, au lever de l'aurore,
L’œil a tout admiré que le cœur cherche encore
L'homme sut-il jamais modérer ses désirs ?1
Un plaisir satisfait, il veut d'autres plaisirs;
Pour moi je veux rêver près de cette eau limpide
Que l'Azergues nous donne en sa course rapide,
Et qui baigne en passant ce séjour enchanté
Que Gacogne et Serrand ont dignement chanté.
Un rideau d'arbres verts, ombrageant ses deux rives
Invite au doux repos les ondes fugitives;
C'est là que les oiseaux, abritant leurs amours,
Animent, par leurs chants, les riants alentours;
Pour jouir de ces chants, réveil de la nature,
L'onde même s'arrête et suspend son murmure.
Mais la pente, en courroux, rappelle à son devoir
Celle dont le repos vient braver le pouvoir,
Et joignant, sans pitié, l'effet à la menace,
Sans trêve ni repos devant elle la chasse
Les flots, en murmurant, s'éloignent à regret-,
Le sort qui les attend ils en ont le secret.
Ils vont perdre leur nom en tombant dans la Saône,
A son tour celle-ci le perdra dans le Rhône.
Lui-même, dans les mers, ira noyer ses eaux
En courbant sous son poids les débiles roseaux.
C'est ainsi qu’il arrive, et j’ai honte à le dire,
Quand le fort sur le faible exerce son empire.

Mais laissons couler l'eau comme elle en a le droit,
Que m'importe, après tout, qu'un roseau reste droit
Commençons à penser à notre propre affaire,
Sans fourrer notre nez où nous n'avons que faire.
Aussi revenons-nous sous nos ombrages frais,
Où', l’on goûte en repos des plaisirs qui sont vrais.
Tout rappelle en ces lieux l'auteur de la nature,
Les arbres et les fleurs y croissent sans culture.
La diligente abeille, avide de butin,
Pour grossir ses trésors y vient dès le matin,
Et peut-être qu'un jour ,sans cette règle austère
La verrions-nous périr de faim et de misère.

En jetant nos regards vers un riant coteau,
On reconnaît Chazay; voyez son vieux château,
Distinguez-vous ces tours dont les cimes pointues
Se perdent dans le ciel en traversant les nues.
N’apercevez-vous point, semés de toutes parts,
Des tronçons mutilés, restes de vieux remparts
Le temps qui détruit tout, a marqué son passage,
Sur ces tristes débris, épaves d'un ,autre âge,
Tel est le sort commun, rien n'échappe à ses lois:
La chaumière du pauvre et le palais des rois.

Voyez vous, s'élevant au-dessus d'un portique,
Quelque chose de noir, couvert d'un casque antique,
Une lance à la main au bras un bouclier,
Eh bien! c'est le Baboin, noble et vaillant guerrier,
Héros dont nous gardons l’éternelle mémoire
Par de nobles actions. II se couvrit de gloire,
Aux malheureux du temps, de ses biens il fit don.
Le pauvre encor jouit d'un si noble abandon
Je parle de longtemps, notre Chazay moderne
N'a plus sa double enceinte ainsi que sa poterne;
On entre librement, tout le monde est admis
Plus il vient d'étrangers, plus on compte d'amis,
Venez, venez chez nous, notre bon cœur invite,
Nous faisons des chemins pour vous y voir plus vite ;
Vous serez au milieu d'honnêtes artisans,
Amateurs du travail, du devoir partisans
Vous trouverez chez nous bon vin et bonne table
Bon logement, bon lit, le marchand doux, affable,
Se contentant de peu pour sa rétribution.
Et n'ayant jamais mis nul à contribution.
Chacun entre à loisir et sort de sa boutique
Lui s'occupe gaîment à servir la pratique,
Jaloux de son honneur, en faisant son métier,
Qu'il soit marchand en gros, tisserand, savetier,
Dégraisseur, perruquier, boulanger, ébéniste,
Charcutier, carreleur, cordonnier, buraliste,
Chapelier, pharmacien, marchand de bric-à-brac,
Menuisier, aubergiste, ou marchand de tabac,
Bourrelier, apiéceur, serrurier, trouilleur d'huile,
Sabotier, galocher, gougeat portant la tuile,
Marchand de fer, maçon, caleter, rempailleur,
Maréchal, horloger, charron, boucher, tailleur,
Epicier, forgeron, matelassier, lampiste
Mais je suis vainement les métiers à la piste
Ma mémoire en défaut s'arrête tout à coup
Parmi nos artisans j’en oublie beaucoup.1
On ne voit pas chez nous des faiseurs de gazettes,
D'effrontés charlatans aux trompeuses recettes,
D'avocats ignorants, interprétant la loi
En termes ténébreux et de mauvais aloi ;
D'avares au cœur dur, se ruinant en paroles,
D'hypocrites rampants, propres à tous les rôles,
D'hommes préconisant les vices odieux
que ne connurent point nos candides ayeux.
De Chazay, mon pays, en écrivant l'histoire,
Je cite seulement ces travers pour mémoire.

Mais, à ma description, il faut mettre une fin;
Car je crains de lasser votre patience. Enfin,
Rien ne manque à Chazay, vrai pays de Cocagne,
C'est la chose à deux fins, la ville et la campagne,
Riche, pauvre, artisan, cultivateur, rentier,
Tout vit avec honneur, content dans son métier,
Celui qui sait saisir l'occasion 0pportune,
Toujours en travaillant amasse une fortune.
Tel est venu chez nous, n'ayant pour tout avoir 1
Que son pauvre paquet plié dans un mouchoir,
Qui mettant à profit le fruit de sa journée,
A vu grossir son gain chaque jour de l'année,
Et pourrait, aujourd'hui, sans peur du lendemain,
Se promener oisif une canne à la main.
On peut jouir en paix d'une heureuse vieillesse,
Pouvant faire le bien quand on a la richesse,
Un bienfait, nous dit-on, ne fut jamais perdu:
On est plus méritant alors qu'il est moins dû.

Sur Chazay nous avons un écrit très-antique,
Mi-français, mi-latin, titre bien authentique.
L'archéologue seul, peut-être, éprouvera
Le désir de le voir, on le lui montrera.
Nous allons seulement, fouillant dans nos archives,
Donner le résultat de recherches actives.
Dans un vieil almanach, à cette époque écrit,
Nous trouvons inséré, ainsi qu'il est transcrit:

Que Charles de Masso, grand sénéchal de France,
Exerçait sur Chazay souveraine puissance,
Que Jean de Saint-Michel, officier châtelain,
Avait juridiction sur le rustre ou vilain,
Que le manant soumis à tout droit corvéable
Payait dîme et servis comme serf et taillable,
Que de son châtelain il était tenancier,
D'après son inscription sur le noble terrier,
Et que même en hymen, selon l'antique usage,
Il devait au seigneur le bon droit de cuissage.
Un riche monastère existait à Chazay;
Son ordre relevait du Chapitre d'Ainay,
A sa juridiction la plèbe était soumise,
Et sur la pendaison il avait entremise.
Trois notaires royaux résidaient dans le bourg:
Maîtres Chappuis, Caillot et Philibert Rimbourg.
Un Bailly remplissait les fonctions de maire,
Mais la plupart du temps il n'avait rien à faire.
Je vous reporte à l'an dix-sept cent septante-un,
Alors que nous avions le bon curé Charrun;
Un seul registre était, dans chaque sacristie'
Tenu par le curé, non en double partie,
Sur lequel il couchait le plus brièvement
Mariage, baptême, ainsi qu'enterrement.
Les chevaliers du guet, miliciens, hérauts d'armes,
Faisaient en ce temps-là ce que font nos gendarmes;
Les tailles que levaient l'officier collecteur
Sont, sous le nom d'impôts, payés au percepteur;
De nos jours les octrois, perçus à la barrière,
Se payaient, dans le temps, de toute autre manière;
Le rusé recruteur, par fraude ou trahison,
Complétait l'effectif de chaque garnison,
Il tendait ses filets par si fin stratagème
Que le pauvre recru s’empêtrait de lui-même.
Dès l'instant qu'à ce drôle il s'était accointé.
Il était pris au piège; adieu sa liberté.
Le peuple, à cette époque, était dans l'esclavage,
Maintenant il jouit d'une liberté-sage.
Dans sa marche le temps enfante le progrès,
L'insensé seul accorde au passé des regrets;
Mais disons-le bien haut, du temps de nos ancêtres,
Personne ne jetait l'argent par les fenêtres
Le père de famille, après un long travail,

Disait à son enfant : voilà le gouvernail,
Je te bénis, mon fils, le sort te soit prospère
C'est ainsi qu'autrefois envers moi fit mon père,
En me recommandant en tout temps, en tout lieu,
L'amour de mon prochain et la crainte de Dieu.
Toujours mes relations, douces et amicales,
La probité, l'honneur, vertus commerciales.
Mais la soif de l'argent ayant changé nos mœurs,
Nous allons de la bourse entendre les clameurs.
Là notre esprit séduit s'abandonne sans force
Aux douces illusions d'une trompeuse amorce;
Nous croyons sottement qu’en invoquant Plutus
Nous allons devenir riches comme Crésus,
Et si, dans peu de temps, n'arrive la fortune
Nous maudissons le poids d'une vie importune.

Nous allons terminer, par un coup de Jarnac
Voici ce que contient le nouvel almanach

A Chazay nous avons un hôtel de mairie,
La nature du sol, terre, vigne, prairie,
Un conseil est élu parmi les principaux,
Il a, pour le moment, treize municipaux;
En tète nous plaçons de par droit notre maire,
Qui ne marche pas mal avec son secrétaire.
Le conseil est paisible et sans opposition ;
Or, voici le tableau de sa composition.
Rimbourg, Mazet, Guillard, Péchet, Pieroud, Lassale,
Rebut, Thève, Collomb, Berjon et Delassale,
En ajoutant Cornu, tréizième comme appoint,
En dehors du conseil on a nommé l’adjoint

Notables principaux, Rustand, garde champêtre,
Qui doit être bien gras tant nous l’envoyons paître,
Avec Monsieur Lassalle, aumônier du couvent,
Et Monsieur Echallier, très digne desservant,
Le bon Monsieur Deschet, vicaire très sortable,
Aussi Monsieur Mazet, notaire respectable,
Comme Monsieur Piéroud, notre excellent docteur ;
Enfin, Monsieur Patin, très-versé percepteur.
Mais j’allais oublier notre cher buraliste,
Des notabilités il va clore la liste.
C’est le seul nom de tous qui rime avec Chazay,
S’il faut vous le nommer : c’est Antoine Chanay.
Je veux encor parler de notre secrétaire,
Monsieur Ojard Jean-Claude, instituteur primaire
Qui dirige si bien son modeste externat.
Que l’élève s’instruit comme en un pensionnat.

Notre église, bâtie auprès du presbytère,
Rapproche le curé de son saint ministère
On voudrait bien construire un plus beau monument,
Oui, mais l'argent nous manque, et puis... l'emplacement.
Mentionnons, en passant, le conseil de fabrique
Qui n'est pas endurant quand la mouche le pique,
Que notre instituteur réclame un supplément,
Pour augmenter un peu son maigre traitement;
Mais que ce procédé va devenir peut-être
Par trop contagieux pour le garde-champêtre.
Notre population, dans les derniers états,
Monte à mille quarante avec les pensionnats;
Tout le monde connaît leur heureuse influence
Pour le bien du pays comme pour la science.
Au pensionnat Péchet de savants professeurs
Forment l'éducation comme en celui des sœurs.
Les communications, utiles au commerce,
Font «que commodément chaque marchand l'exerce
De nombreux omnibus, en retours ou départs,
Viennent de tous côtés et vont de toutes parts;
Marchés tous les jeudis, tous les ans quatre foires,1
Procurant au pays des ressources notoires.
Nous avons une pompe à deux corps de boyaux,
Sa bâche, ses agrès, ses clefs et ses tuyaux,
Son char, son, balancier, ses cordes et ses chaînes,
Son caisson, ses affûts, de seaux plusieurs douzaines,
Ses jets et ses pompiers, ses pièces de raccord;
Mais pour bien fonctionner il lui manque un ressort.
Nous possédons aussi 'musique instrumentale;
Nous espérons un jour en voir une chorale.
Bureau de bienfaisance, assistant l'indigent
Quatre mois de l'année, en pain, chauffage, argent
Bureau de perception, reconnu immuable,
Depuis sa création, par le contribuable
Qui se rendant chez nous, pour ses contributions,
Va chez tous nos marchands faire ses provisions.
Ce bureau, cependant, en temps de république,
Nous fut un jour soustrait; mais, par humble supplique,
Chazay s'est adressé sans crainte à l'Empereur
Qu'en est-il résulté? La justice et l'honneur
Rétablis dans nos droits fut une récompense
A notre dévouement proverbial en France.
Remercions encor l'auguste souverain,
Qui vient de nous donner, passant par Saint-Germain,
Un beau chemin de fer, arrivant de Tarare,
Et de plus à Chazay l'indispensable gare.
Avant de terminer, je dois citer le nom
De Compte-Calix, peintre artiste en grand renom.
On peut, dans notre église, en acquérir la preuve
Par le don qu'il a fait d'une remarquable oeuvre,
Peinte en son atelier, célèbre dans Paris.
Un noble cœur jamais n'oublia son pays
Il s'est ressouvenu du lieu de sa naissance:
Qu'il accepte, en retour, notre reconnaissance.
Pour lever nos paquets nous avons un facteur,
Pour lever nos fumiers, un paresseux boueur.

Qu'importe à l'étranger ces questions communales,
Il va bien s'occuper de choses si banales;
Pour fixer son esprit, il lui faut un objet
Propre à l'intéresser quel qu’en soit le sujet.
Parlez lui du Baboin, il sera tout oreilles
Il connaît de renom ses vogues sans pareilles;
Vantez avec raison votre vin de Grosbout;
Il vous écoutera complaisant jusqu'au bout
De votre vieux château parlez des oubliettes,
Il voudra pénétrer dans ces sombres cachettes.
Sur de vieux écussons, par le temps effacés,
Il voudra déchiffrer les anciens mots tracés,
Des deux anciens foyers, modèles de sculpture
Remarquables surtout par leur architecture,
Placés dans les salons de votre vieux château'-,
Dites-lui qu'un vandale a détruit le plus beau,
Que vous aviez encore une église gothique,
Portant un beau clocher sur son rare portique;
Mais qu'un spéculateur, ennemi des beaux arts,
Pour vendre les débris en démolit trois quarts
Ce qui fut épargné sert, ô destin étrange!
De cave, de cellier, de remise et de grange.

De hauts murs nous cernaient par un double contour,
De distance en distance on retrouve une tour,
Alternativement ronde et quadrangulaire,
Nommons-les en suivant la ligne circulaire:
Au midi, c'est la tour ou se trouve un cachot,
A gauche, à quelques pas, celle du grand Caillot;
Puis, celle de Gonnard, qui servait de poterne,
Celle de Corbignot renfermant la citerne;
Du côté d'occident, vous trouverez non loin
La principale tour qui porte le Baboin.
Dirigez-vous au nord, montez vers la Croix-Rousse.
C'est la tour de Fuchez, dite de la Rescousse;
Du côté d'orient, c'est la tour de Bonbon
Qui s'adosse au rempart, construit sous jean -le-Bon:
De grands murs lézardés, datant de divers âges,
Semblent braver du temps les visibles outrages,
Déclinant au midi, la trace du rempart
Se perd jusqu’au château, notre point de départ.
Profondément creusés, au devant des murailles,
Des fossés remplis d'eau dans les jours de batailles
Empêchaient l'ennemi d'avancer le bélier,
Engin de guerre alors terrible et meurtrier,
Un mur intérieur, formant la double enceinte
Protégeait le château de sa massive étreinte,
Et mettait à l'abri les moines dans leur fort,
Sans compter au besoin leurs droits de réconfort.

J'aurais, sur mon pays, encor bien à décrire,
Mais pour se faire ouïr, il faut savoir bien dire,
Et j'ai beau torturer mon paresseux cerveau,
Il se trouve épuisé, rien n'en sort de nouveau;
Par besoin de repos, doucement je sommeille,
Quand tout-à-coup quelqu'un vient me dire à l'oreille:-
Du tracé par le bourg vous ne dites donc rien,
Vous n'aimez pas Chazay, mon Dieu! Je le vois bien,
Que deviendront, hélas! nos commerçantes rues,
Pour en détruire l'herbe il faudra des charrues.
-je le sais comme vous, lui dis-je en m'éveillant,
Mais ayons confiance au pouvoir bienveillant.

J'en resterai donc là de mon effort suprême
Sans aller m’absorber pour écrire quand même.
Et si, dans mes ,narrés, sans m'en apercevoir,
J'ai pu blesser quelqu'un, c'est contre mon vouloir.
L'homme oublie souvent des devoirs la pratique;
Nous critiquons quelqu'un, ce quelqu'un nous critique,
Je tremble en attendant votre juste examen,
C'est ma faute, après tout, je m'y soumets. Amen.

Chazay-d'Azergues, 25 février 1863.
J.-B.-P. RIMBOURG.

 

 

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